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CFRIES
3 décembre 2006

Décryptage : quel avenir pour le marché Russe ?

Le succès populaire du salon de Moscou, qui s’est déroulé du 30 Août au 10 Septembre dernier confirme le développement et les perspectives offertes aux constructeurs étrangers en Russie, en faisant planer une menace sur les marques locales totalement dépassées en technologie, en design et en équipement.

Le 18/09/2006

Moscou vient d’accueillir, sur le site du centre d’exposition Krocus Expo, son premier salon international de l’automobile, reconnu officiellement par l’Organisation Internationale des Constructeurs Automobiles (O.I.C.A) et soutenu par l’Association of European Business (A.E.B). La plupart des marques y étaient présentes et le public s’est précipité en masse à l’événement. S’agit t’il là d’un signal fort de l’éclosion d’un nouvel eldorado automobile ou d’un phénomène à portée limitée ? Telle est la question à laquelle Décryptage se propose de répondre ce mois ci.
   
Le phénomène des salons de l’automobile
Les salons de l’automobile sont quasi permanents sur la planète ; chaque grande capitale ou grande métropole économique organisant le sien. Paris, Londres, Francfort, Genève, Détroit, Tokyo et même Shanghai, pour n’en citer que quelques-uns, constituent tous les ans (ou deux ans) des événements à la fois populaires et professionnels importants. Les salons se tiennent depuis que l’automobile existe (bien avant qu’elle ne devienne un bien de consommation de masse). Le premier salon de l’automobile à Paris date de 1898… Depuis, l’offre et l’accès à l’automobile n’ont cessé de se développer au travers des réseaux de distribution des marques et des revendeurs indépendants, de la presse spécialisée comme généraliste, et depuis quelques années, par le web. On pouvait d’ailleurs craindre une désaffection des salons et autres Motor Shows, or tel n’est pas le cas, bien au contraire puisque les scores de fréquentation sont régulièrement en hausse. Le succès des salons peut s’expliquer par la combinaison de plusieurs raisons : 
   
1. La présentation de nouveaux modèles.
Le salon est le moment idéal pour lancer un nouveau produit ou renouveler une gamme. Les modèles sont mis en valeur et en exergue devant un large public ; la presse en donne largement écho et les constructeurs peuvent mobiliser leurs réseaux en les invitant à l’événement. L’impact est considérable et les retombées média ne seraient pas supportables financièrement s’il fallait les assumer en campagnes publicitaires. 
   
2. La stimulation des ventes.
Les constructeurs ne vendent pas directement leurs véhicules aux acheteurs potentiels. Ils enregistrent les contacts et demandes de renseignements, voire les coordonnées des consommateurs qui essaient, sur place, un modèle ; et les répercutent sur leur réseau de distribution selon des critères de localisation géographique. Dans le même temps, ils invitent leurs concessionnaires et agents à découvrir, avant que le salon ne soit ouvert au public, le stand et la gamme. A cette occasion, des réunions peuvent être organisées afin de stimuler le réseau. L’impact n’est pas seulement purement commercial ; il est aussi psychologique, dans la mesure ou les vendeurs sont dynamisés par les efforts et nouveautés initiés par leur marque. 
   
3. La communication du savoir-faire.
Les salons permettent de présenter des innovations, sous formes de solutions technologiques et/ou de concepts cars, destinés à démontrer l’étendu du savoir-faire d’un constructeur et à tester l’effet d’un design ou de fonctions sur le public. Il est de plus en plus fréquent de voir des prototypes au design « révolutionnaire », devenir quelques années plus tard, des modèles de série à l’instar de la Peugeot 206 coupé cœur (présentée au Mondial de Paris 1998) qui a donné naissance à la 206 coupé – cabriolet (2000) dont le succès commercial est indéniable ; ou de la Citroën X6 Lignage (présentée au salon de Genève 1999) devenue C.6 (2005) sans grande modification. En outre, un concept ou un prototype assure une mobilisation des foules et des articles et reportages.
   
4. La part du rêve.
L’automobile demeure, malgré toutes ses contraintes, un formidable vecteur de passion et de rêve. La fascination qu’exercent les marques les plus prestigieuses (comme Ferrari par exemple) ne se tarit pas si on en juge par les foules qui se pressent devant les stands de ces constructeurs. Les brochures et autres supports de promotion sont généreusement distribués, tandis que des hôtesses charmantes reçoivent les visiteurs avec un sourire permanent. La mise en scène des expositions est constamment plus spectaculaire : agencement des stands ; défilés de mannequins ; shows musicaux et chorégraphiques ; invitations de personnalités du sport et du show-business… Autant d’artifices destinés à capter l’attention d’un public conquis d’avance, et venu passer quelques heures de plaisir et, pour certains, choisir leur future automobile.
   
5. La conquête de nouveaux marchés.
Si les pays les plus développés sont confrontés à des situations de saturation de marché (comme c’est le cas en France), les pays émergeants offrent en revanche, des perspectives de ventes qui n’échappent pas aux grands groupes industriels automobiles. Tel est le cas de la Chine, mais également de la Russie. 
   

La dynamique du marché russe
Ford, qui connaît des difficultés sur ses grands marchés traditionnels, espère doubler ses ventes en Russie en 2006 (Source Reuters Moscou – 30/6/06) pour atteindre les 120 000 unités (la moitié étant assemblée dans leur usine locale de Vsevolojsk (près de Saint-Pétersbourg) ouverte en 2002, et ayant permis à Ford de devenir le leader du marché automobile Russe. Malgré une grève en Mars dernier, la position du constructeur américain demeure forte. D’autres fabricants comme G.M ; Renault ; Hyundai ; Kia ; BMW, produisent également en Russie. Peugeot étudie l’éventualité de construire une usine en 2009 (Source Le Figaro – 4/9/06).
Cet engouement et les investissements qu’il suppose, témoignent d’une réelle confiance dans l’essor du marché. Le potentiel est effectivement prometteur : 145 Millions d’habitants, 17 millions de kilomètres carrés, et seulement 170 véhicules pour 1000 habitants (contre 800 aux Usa, 500 en Europe occidentale et au japon, et 12 en Chine). En 2000, 46 000 automobiles se sont vendues en Russie ; en 2006, le volume devrait avoisiner les 950 000 (Source RIA Novosti – 21/7/06). Parallèlement, les véhicules d’occasion sont de moins en moins caractérisés par des voitures russes hors d’âge et hors d’état, au profit de modèles étrangers plus récents, et cela en dépit des droits de douanes prohibitifs appliqués aux voitures usagées importées (plus de 100 000 en 2005). L’adhésion de la Russie à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) devrait alléger la pression fiscale. Mais en contrepartie, l’imposition du respect des normes techniques pourrait limiter la diffusion de modèles anciens.
   

Les ventes de voitures neuves, notamment produites sur place, enregistrent donc des progressions spectaculaires, malgré des prix élevés pour la majorité des consommateurs russes (même si leur niveau de vie profite de l’augmentation des revenus pétroliers). Actuellement, la majorité voitures sont vendues moins de 8000 Euro (somme encore importante pour le consommateur russe moyen). Les constructeurs russes, comme Gaz ou AvtoVaz (plus connu sous sa marque Lada) sont encore bien placés dans ce créneau de prix, mais leurs modèles sont technologiquement dépassés et peu attractifs en style et en équipements. Le segment des automobiles vendues entre 8000 et 15 000 Euro (essentiellement étrangères et notamment celles produites sur place), devrait tripler à l’horizon 2010 (Source Consortium France C.E.I 2006). La part de marché global (en volume comme en valeur) des marques étrangères, pourrait doubler dans les quatre ans à venir.
A la marge, les millionnaires (en dollars) russes, essentiellement concentrés à Moscou, ont déjà adopté les Mercedes, BMW et autres tout - terrains japonais de haut de gamme. Mercedes a d’ailleurs choisi Moscou pour y présenter, en avant première mondiale, son luxueux coupé 500 CL, « offert » au prix de 132 000 euros…
Avec une hausse de 24% pour le premier semestre 2006 (Source RIA Novosti – 31/8/06), et compte tenu de la démographie et du taux de possession automobile russe, la marché s’annonce particulièrement prometteur. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de constater le succès du salon de Moscou.
   

Le succès du salon de Moscou
Alors que le Directeur de l’Agence Fédérale pour l’Industrie Russe, Boris Aliechine, espérait 500 000 visiteurs au terme de son discours inaugural, le jour de l’ouverture du salon, le 30 Août, c’est près d’un million de personnes qui se sont précipitées à l’exposition durant deux semaines. Ce score est a rapprocher du chiffre de 1.5 millions de visiteurs au Mondial de Paris considéré comme le plus grand salon automobile du monde…
Le salon moscovite n’a pas dérogé aux principes des shows habituels : stands décorés, hôtesses court vêtues ; spectacles de music hall et marketing « à l’américaine ». Aucun des grands constructeurs ne manquait à l’appel, et s’il est difficile d’estimer dès à présent les retombées de l’événement, la satisfaction semble dominer chez les représentants des marques. La presse écrite, comme la télévision, ont largement couvert le salon et les hôtels et restaurants de la capitale ont connu une activité intensive. Si l’immense majorité des visiteurs n’a pu que regarder avec convoitise, les modèles présentés, les exposants ont pu montrer leur technologie et leurs produits, creusant davantage l’écart entre la production locale et l’industrie étrangère. Les Moscovites ont rêvé, mais aussi compris que l’accès à l’automobile leur était promis à court terme. Tout comme les Français lors des salons Parisiens de l’après guerre, à la différence près, qu’ici, les véhicules sont disponibles. 
   
Fort de ce succès et des perspectives du marché, ce salon entre désormais (tous les deux ans), dans le calendrier des grands rendez vous mondiaux de l’automobile et semble augurer d’un bel avenir pour l’automobile en Russie. 
   
Bruno Camus est Docteur en Gestion, Professeur de Marketing à Euromed Marseille Ecole de Management. Auteur de plusieurs ouvrages parus aux Editions d’Organisation, ses travaux de recherche sont très centrés sur le secteur automobile avec lequel il travaille aussi comme consultant




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