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CFRIES
7 octobre 2006

Exportation d’armes: la Russie va dépasser les Etats-Unis

Monde-Compétitivité

Moscou veut montrer qu’elle est un acteur qui compte. Mais le pays russe mise davantage sur les missiles que sur les réformes nécessaires pour accompagner sa fulgurante croissance économique.

Alexeï Fedorov, le Tsar de l'aéronautique russe n'obéit qu'à Vladimir Poutine. Propulsé à la tête d'un consortium de grands industriels du secteur, MIG, Tupolev, Irkout, il a reçu l'ordre d'augmenter, de deux fois et demie, la production d'avions d'ici 2015. C'est la mesure des ambitions russes dans le marché de l'armement.

Or comme l'aviation, tous les domaines militaires sont sous pression. Le Kremlin veut ravir la place de premier exportateur de la planète au Pentagone. Et il serait à deux doigts d'atteindre son but, prévient le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), dans son rapport 2006. Un virage historique.

Selon un conseiller militaire moscovite, rencontré voici une semaine dans la capitale russe, il s'agit «d'impressionner» les pays de l'OTAN et les partenaires occidentaux. Vladimir Poutine se sent plus à l'aise s'il sait qu'il arrose avec ses armes la plus grosse tranche du marché mondial. Question de montrer ses muscles, mais aussi ses capacités d'innovation technologique: la palme de premier exportateur d'armes comme signe de «modernité». C'est tout le sens du forcing poutinien.

Record de ventes en 2005

Le président russe n'a jamais caché son ambition de remettre la Russie sur le devant de la scène mondiale. Et d'utiliser, à cet effet, l'économie – et plus particulièrement l'énergie. Discrètement, Moscou a aussi forcé la marche dans l'armement.

Et déjà, en «volume» de ventes, Moscou vient de dépasser les Etats-Unis, premier commerçant mondial (lire encadré). Plus important, en termes de «chiffre d'affaires», Washington sent le souffle russe sur sa nuque. Jugez plutôt. Entre 2003 et 2005, l'Amérique a fourni du matériel pour 18 milliards de dollars, contre 17,8 pour la Russie. Au prochain comptage, le Pentagone risque de mordre la poussière derrière le Kremlin.

Rien que l'année dernière, l'agence russe d'Etat, Rossoboron Export, a vendu pour plus de 6 milliards de dollars ­d'armements à l'étranger. Un record. La France, troisième ­exportateur mondial, a fait de même… en trois ans. Le premier acheteur des Russes est la Chine, destinataire de six sous-marins en 2005. Moscou fournit aussi l'Iran, suscitant l'inquiétude des Etats-Unis. L'Inde figure également parmi ses gros clients. Et dernièrement, l'Argentine et le Venezuela d'Hugo Chavez ont passé de très juteuses commandes à la Russie.

Diplomatie par les armes

Par ses armes, Vladimir Poutine se fait des «amis» partout dans le monde. Il se lie préférablement avec les pays producteurs de pétrole. Et au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, le président russe s'est aussi passablement rapproché de Pékin. Il est en train «de tisser sa toile diplomatique au moyen de contrats d'armement», analyse le Center for Analysis of Strategy and Technology (CAST), «think tank» indépendant basé à Moscou.

Ce centre d'études rappelle que Vladimir Poutine a promis de rendre à l'armée russe son faste d'antan. Et que, de ce pas, il va tenir ses promesses. Les budgets militaires ont explosé ces dernières années, «provoquant un appel d'air dans le marché interne», analyse Ruslan Pukhov, directeur du CAST. Les usines d'armement ont, du coup, réorienté leur production vers l'intérieur. La Russie est en passe de créer un ogre de l'armement mondial.

Les règles russes sont-elles objectivement suffisantes pour protéger l'environnement?
Elles étaient suffisantes, dans les années 90, malgré des lacunes. A partir de 2000, on ne cesse de réformer la loi, réduisant les normes. Par exemple, l'expertise écologique nationale, un instrument fondamental de contrôle préventif, a été supprimée.

La Russie est-elle en passe de rater sa révolution écologique?

La révolution écologique a commencé à avoir lieu en Russie dans la seconde moitié des années 80, lorsque le pays a renoncé à son projet ambitieux de détournement des fleuves sibériens vers l'Asie centrale. Plus tard, un Comité d'Etat pour la protection de l'environnement a été instauré, mais il a été dissous en 2000, après l'arrivée de l'Administration Poutine. Les restrictions écologiques sont perçues comme des barrières, freinant le développement économique.

Les autorités se montrent actuellement plus attentives à l'environnement. Sont-elles crédibles?
La Russie a adopté une Doctrine écologique, élaborée en tenant compte de l'opinion publique et approuvée par le gouvernement en 2002. Mais en réalité, ce document n'est pas appliqué, personne au gouvernement n'étant responsable de sa mise en œuvre. Et il n'existe pas d'autres directives.

La Russie a récemment signé le Protocole de Kyoto. Est-ce le signe d'un changement de mentalité?
Moscou a signé ce protocole en vue d'améliorer les relations internationales. Vladimir Poutine n'est toujours pas convaincu que les changements climatiques sont provoqués par les activités humaines. Le fait que la Russie n'a toujours pas adopté d'actes législatifs assurant la mise en œuvre du Protocole démontre qu'il s'agit d'un problème secondaire pour la Russie.

Quelles menaces pèsent le plus sur l'environnement russe?
A l'heure actuelle, il s'agit de la privatisation irréfléchie des sols, y compris les forêts, et des ressources hydriques, ainsi que de l'extraction de pétrole. Les nouveaux gisements sont situés dans des zones extrêmement vulnérables du plateau continental, notamment de l'Arctique. Les coûts d'exploitation y sont plus élevés qu'ailleurs, ce qui motive les compagnies à négliger les normes environnementales. Le projet de Shell à Sakhaline est un exemple type. Intervenir contre ces sociétés, c'est la moindre des choses.

Quels sont les effets de la privatisation des ressources naturelles?
La privatisation en tant que telle n'a rien de nuisible pour la nature, mais après la dernière réforme, la loi ne prévoit aucune forme de contrôle public. Il n'existe pas de droit d'accès aux forêts privées, de se baigner dans les pièces d'eau privatisées, il n'y a plus de restrictions concernant les coupes d'arbres et la pollution. (flov)

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